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ALMODIE
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3 août 2008

Aujourd'hui un portrait trouvé sur le quotidien

SACRE MASSALE, c'est un peu la suite de mon lexique

Nul besoin d'utiliser des ustensiles dits modernes pour préparer des épices à cari. Dans les hauts de Saint-Paul, à Bois-Rouge, Monsieur Antoine la soixantaine bien portée, se sert de ses mains pour faire son massalé. D'un gros kalou et d'un pilon bois, aussi, comme "dan'tan lontan". Et d'après ses voisins, il est sacré..... ment bon son massalé. L'un des meilleurs de l'île. Goût' a li, çà sent d'ici !

A un saut de cabri, le quartier de Bois-Rouge offre une vue panoramique sur la baie de Saint-Paul. Antoine soixante ans tout rond est né là-haut, dans cet écart isolé qui tutoie le ciel et les nuages. Son petit bout de paradis réunionnais, Antoine ne l'a jamais quitté. Car tout simplement, il s'y sent bien et à se voit.
L'ancien footballeur du Guillaume, qui tapait dans la balle du côté de l'aile droite dans les années 70, conserve la santé des ses 16 ans. En ce temps-là, c'est dans les champs de cannes qu'il travaillait, avec les petits colons et quelques membres de sa famille, "ma gran-mère et mon tonton".
"Ma la pas fait un jour l'école", prévient Antoine. Peu importe. Dans sa jeunesse, les enfants étaient autant de mains utiles pour divers travaux ménagers.
De 'ti travail" en "ti travail", il est embauché dans ne entreprise de travaux publics à l'âge de 17 ans.
Il va ainsi participer au développement de son île en construisant, aux quatre coins de ce "ti galet dan l'océan", les premières de nos petites routes. Pas peu fier, il dévoile une photo où il pose près de son terrible engin, un rouleau compresseur chargé d'aplanir la chaussée fraîchement bitumée. "ma la fin'travaille 42 ans" annonce-t-il. "na rien que Cilaos et Mafate moin la pas travaillé" Antoijne connaît son île comme la poche de son short.

Fini de bosser Le jeune gramoune profite maintenant de sa retraite bien méritée qui lui permet de gagner "un ti-monnaie".
La journée d'Antoine débute lorsque le soleil pointe le bout de ses rayons, vers 6 heures, dans un joyeux charivari de chants de coqs. Dehor, sur un feu de bois sous tôle, les grans de café crépitent en dégageant des bolutes chargées d'arôme d'arabica.
Sa petite case, qui a su résister à de nombreux cyclones malgré des airs de château de cartes, est encore bercée par la fraîcheur matinales quand Antoin grimpe le sentier pavé qui borde la petite propriété.
Un kilomètre à pied plus loin, sans avoir usé sas savates, il s'en va couper "les zerbes" pour ses bêtes. De beaux cabris forts comme des boeufs et qui finiront en massalé, sa spécialité. En cuisine, monsieru Antoine s'y connaît.
On vient voir ce cordon bleu des Hauts d'un peu partout, pour lui demander un conseil ou un coup de main dans la préparation d'une fête. Tout le monde dan sle coin connaît ses bons petits plats épicés façn cari, mais pas les secrets des recettes qui vont avec.
Il y a la manière d'abord, unique, ancestrale. Nul besoin d'utiliser des ustensiles modernes.
Dans un pilon bois, fabriqué "en bois de jak", explique-t-il, sont écrasées, grâce à un imposant kalou, les diverses épices entrant dans la composition de son sacré massalé.
De cette façon, il arrive à faire près de deux kilos de massalé en 'une heure de temps". Et oui, on vous l'a dit, Antoine "lé gaillard".
"Le pilon le fait ek bois de jak mem. Sinon na bois noir mais çà les rare. Le jak lé bon, le tronc lé bel. I gagn bien creser au fond pour in'bon pilon".
En fait, cette méthode artisanale permet aux épices de dégager toute leur puissante saveur, alors qu'avec les outils dernier cri, le résultat est loin d'être satisafaisant au niveau goût.
"Mi fait ma façon, mi grille le massalé en premier. Mis met l'anis, graines moutarde, kaloupilé...." au total cinq ingrédients essentiels. Après "fo bien crase les grains. Ou don a li, ou pil a li".
Au final le massalé ressemble à du café moulu aux teintes ambrées.
Son art, ce fils de prêtre tamoul le partage lors de services malbar pour lesquels il est sollicité. Et même s'il n'est pas un des plus fervents pratiquants, Antoine est toujours prêt à rendre service dans ce quartier et ses environs où chacun se connaît, sans animosité.
Un écart de Saint-Paul qui a bien changé."Bois-Rouge, oui, n'avait canne partout. Canne maïs, manioc mem. Manioc nou té mange bon peu. Quand lèr arracher, d'un arreau n'avait jusquà 2 à 300 kilos manioc. Ou connaît manioc ? Ca tout le monde té mange t té i plante un peu partout, Bois-Rouge, Villèle...." Aujourd'hui le tapioca n'a plus la cote, le béton si.
Dans sa vie des Hauts, Antoine a eu six enfants avec sa femme, depuis décédée, elle assi issue de ce quartier et qu'il a croisée, un jours, dans le chemin.
"Com sa, su la route. Ou connaît mariage lontan koman lété. Ou té trouve in'fille, ou té casse casse in' peu lé kui et après, si ou tombe d'accord, soit ou marié, soit ou té vol chemin....." Et de conclura sans hésiter :" Té bien! nou la fait sis marmailles, té bon mem."
Certains de ses enfants vivent en métropole, une France qu'Antoine ne connaît qu'à travers les cartes postales.
Malgré le soutien de ses proches, Antoine se sent seul, par moment. Sans madame, la vie est parfois comme un massalé sans saveur.....
"Mi trouve toujours in copine mais pou viv ensemb, pas encore. Peut-être que ma rode in'plus tard, parce que au fur et à mesure, ou viellis. Faut pas reste tout seul. Si tou d'un coup ou tombe malade, out' s'enfant lé occupé, ou laisse à zot'. Quand ou néné in' femme, out'maame i garde a ou bien, mieux qu'un s'enfant mi veut dire."
Alors chaque semaine, délaissant sa fidèle compagne, une moto 50 cm3 bichonnée comme au premier jour, Antoine part en voyage. En bus. Inscrit dans un club du troisième âge, il s'mbarque chaque dimanche pour des promenades pastorales, et plus si affinités.
Avec un talent pareil pour la cuisine, mesdames, vous auriez tort d'hésiter.

Article du Quotidien de la Réunion, écrit par Frédéric BANC

Vous a-t-il plu ce petit article sur la vie dans les écarts d'un sympathique Réunionnais (lui c'est un vrai, comme je les vois tous dans le "tan lontan". Je ne me permets pas de faire un scanne de la photo du journal, je crois qu'il faut demander l'autorisation à Antoine et au Journal, déjà que je ne l'ai pas fait pour l'article.......

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